mardi 13 novembre 2018

On nous a coupé les ailes

Cette semaine mon Schtroumpf est revenu de l'école avec une leçon sur le 11 Novembre. Fièrement, il m'a dit que c'était un jour férié. 

A la médiathèque nous avons vu une exposition sur la guerre de quatorze avec, parmi les documents, un mannequin revêtu d' un uniforme de soldat. Je me suis alors rendu compte que cela semblait très vieux à mon fils, presque aussi loin que le Moyen-âge. Je lui ai expliqué que mes deux grands-pères avait "fait" cette guerre.

Je me suis alors souvenu de cet album qui a maintenant quatre ans. Il était sorti l'année du centenaire de commémoration du début de la première guerre mondiale. 

Il raconte l'histoire d'un enfant du début du siècle dernier, son enfance dans un petit village de campagne, ses jeux avec ses amis dans la nature, ses rêves devant les débuts de l’aérospatiale.  Il est fasciné par les avions et rêve de voler lui aussi. 

Comme tous les petits garçons, il est friand de récits de guerre et écoute son grand-père lui raconter ses combats contre les prussiens. Il admire le casque et le sabre de son aïeul. Il est  toujours prêt avec son cousin à magner le fusil même si c'est pour plomber les fesses de Marguerite sa cousine. 

Il part pour la guerre et se retrouve dans les tranchées. Le dessin d’Émile Bravo se teinte de couleurs grises et sombres qui rendent les scènes de guerre d'autant plus impressionnantes. Fred Bernard a choisi la lettre comme moyen de narration pour les années de conflit. Il alterne scènes de l'enfance et correspondance. René, le jeune soldat, écrit à sa mère. A  son récit du quotidien se mêle ses terreurs et ses espoirs. Progressivement, ses évocations de ses jeunes années lui font prendre conscience de l'horreur de la destruction et de la réalité de la mort. Il perd son insouciance. 

L'album est très bien construit. Il rend compte de la désillusion des soldats partis combattre. C'est également un très bon compte-rendu de l'importance de l'aviation dans ce combat. Sans être trop technique, il évoque l'histoire de l’aérospatiale avant et pendant la guerre.
René, le héros de cet album a réellement existé. Il a survécu au conflit. 


A noter aussi, le numéro de Youpi du mois de Novembre et sa chronique "Raconte-moi le monde" qui narre  de manière très simple le quotidien de Paul, soldat de la première guerre mondiale et le "Youpidoc" qui nous emmène dans les tranchées, une page documentaire ludique comportant une feuille plastifiée pour voir en transparence (à la manière des "premières découvertes" chez Gallimard jeunesse).  Youpi est préconisé pour les 5-8 ans.






dès 8 ans.

On nous a coupé les ailes
de Fred Bernard
illustré par Emile Bravo
Albin michel jeunesse
2014.

jeudi 11 octobre 2018

La rumeur

La rumeur nous emmène à l'école....! C'est le début de  l'Automne ;  les enfants ont repris le chemin  de la classe. on retrouve les copains et il y aussi les nouveaux. Mais ce petit hérisson qui vient rejoindre les enfants en ce début d'année est décidément très différent. C'est lui  qui sera à l'origine de la rumeur...
Mais au fait c'est quoi une rumeur?

L'auteur utilise un mot  peu courant pour définir cette situation de rejet. Pour un enfant de 5 ans, ce terme reste abstrait. Mais cet album permet au petit lecteur de se l'approprier. 


Zaza Pinson a l'art de dépeindre les sentiments. Dans l'autre illustré par Geoffroy de Pennart (Kaleidoscope, 2006.) elle faisait le portrait d'un chien atteint des affres de la jalousie. Vivant tendrement  jusqu'à présent en tendre tête à tête avec sa maîtresse, il dut d'abord la partager avec son fiancé puis ensuite avec un bébé. Les sentiments étaient dépeints avec humour et justesse. Dans Maman arrive illustré par Laure Monloubou (Kaleidoscope, 2014.) elle dépeignait la peur d'une petite fille d'être oubliée à l'école.



Dans la rumeur,elle met en scène des enfants qui rejettent un nouvel élève. C'est le thème de la différence qui est traité. Les élèves accueillent hérisson en lui souhaitant bienvenue du bout des lèvres. Puis la situation se détériore; ce dernier ne parvient pas à s'intégrer. Il est rejeté à la récréation, à la cantine jusqu'au jour où la rumeur le désignera comme coupable tout désigné...




Christine Davenier dessine un univers scolaire très réaliste qui parleront aux enfants. Bien que ses personnages soient des animaux, nul doute qu'ils se reconnaitront dans les portraits des uns ou des autres. 

J'ai une tendresse particulière pour ce petit hérisson qui aime dessiner, subit les affronts de ses camarades sans broncher et en même temps est capable de se mettre en colère de manière terrible. 


 







La Rumeur
de Zaza Pinson
illustré par Christine Davenier
Kaleidocope 
2018.

vendredi 28 septembre 2018

La nuit de Berk

Berk est de retour pour de nouvelles aventures. Après le Mange-doudous dans lequel  notre canard préféré a failli être dévoré avec ses copains en peluche par un gros monstre, après le bain de Berk dans lequel il a  failli se noyer dans la baignoire, il a cette fois été oublié à l'école dans le sac à doudous. Voilà de façon originale, traité un thème classique de la jeunesse, le doudou oublié ou perdu.


Pas de stress pour l'enfant puisque lorsque le récit débute, tout est déjà terminé. C'est Berk lui-même qui a raconté l'histoire à notre jeune narrateur.


Cette aventure nous emmène à l'école, dans des couloirs déserts et une classe, elle aussi, vide. Berk a vite fait de se faire un copain, qui n'est autre qu'un sac-crocodile, oublié à l'école par son petit propriétaire. Et c'est parti pour l'exploration.... Le récit se déroule dans le noir, histoire de se faire un peu peur. Bien sûr l'équipée partira à vau l'eau quand Berk glissera sur un truc gluant jusqu'à ce que tout se termine dans la patouille, un bonheur de lecture pour nos petits monstres ! 

On croisera au détour des pages le géant de Zéralda, Cornebidouille, Grand Monstre Vert et bien d'autres encore, histoire de vérifier que nos petits lecteurs connaissent bien leurs classiques sans oublier bien sûr le mange-doudous

Dès 4 ans.


La nuit de Berk
de Julien Beziat
Pastel 
2018.


 

Patate pourrie

Stéphanie Blake réitère dans cet album l'effet Caca boudin. Souvenez-vous, c'était en 2002. On faisait la connaissance de Simon le petit lapin. L'album est devenu un best-seller. On le lit même dans les crèches. Simon a bien grandi, a vécu beaucoup d'aventures, a même sa série TV et a maintenant un petit frère et une petite sœur.

Cet album pourra amener nos tout-petits en pleine régression et je ne doute pas que répéter allégrement "patate pourrie" peut être aussi plaisant que claironner "caca boudin". Pourtant il y a un deuxième sujet sous-jacent dans cet album et bien plus important, c'est "l'amour", plus précisément les sentiments. Dans Patate pourrie, il se trouve que Simon est jaloux.

Ce n'est pas un livre à sortir uniquement à la Saint-Valentin. Les histoires de sentiments sont importantes pour nos petits. C'est difficile de comprendre qu'une "amoureuse" peut changer d'avis. Même si l'amour qu'ils ressentent s'apparente davantage à un sentiment d'amitié qu'à de l'amour proprement dit, il n'est pas à prendre à la légère et il est nécessaire de respecter leurs confidences à ce sujet sans bien sûr en faire trop, ni l'encourager à outrance, ni se moquer d'eux.

Dans Patate pourrie, les parents n'interviennent pas. Simon règlera tout seul ses démêlés avec Lou. Il est même puni ! On peut s'interroger sur le choix de l'auteur de laisser Simon aller au lit avec un cœur gros comme ça. Dans la mesure où notre petit lapin ne se confie pas à ses parents, ils n'ont effectivement pas à lui poser de questions. Cela fait partie de son acquisition de  la sociabilité. De plus, ce n'est pas la première fois que Simon est jaloux de Mamadou. En 2009, nos petits lecteurs faisaient la connaissance de Lou dans l'album Poux. Elle était amoureuse de Mamadou mais elle avait attrapé des poux et son amoureux s'était moqué d'elle. Alors Simon l'avait consolée et lui avait donné un bisou. Depuis, Lou est la petite copine officielle de notre petit lapin et il n'a pas du tout envie de la partager !

Dès 4 ans.


Stéphanie Blake, Patate pourrie.
École des Loisirs
2017.

lundi 19 février 2018

Chatangram

Chatangram n'est pas seulement un album qui raconte l'histoire d'un petit bonhomme à qui on offre un tangram, c'est aussi un livre d'activité puisqu'à la dernière page,   on trouve un vrai puzzle en carton pour réaliser les modèles qu'on rencontre au fil de l'histoire.

Mais qu'est-ce qu'un tangram? 

C'est un jeu d'origine chinoise qui utilise sept pièces comprenant cinq triangles, un carré et un parallélogramme. On ignore sa date exacte de création mais il semblerait remonter à la fin de l'Antiquité. Une légende raconte qu'un nommé Tan aurait laissé tomber un carreau qui se serait brisé en sept morceaux. C'est en essayant de le reconstituer qu'il se serait rendu compte de la multiplicité des figures qu'il pouvait concevoir avec les pièces.






Mon tangram des animaux
d'Anthony Marras
Langue au chat
2015.



Ce jeu n'était pas une découverte à la maison puisqu'il y a deux ans, on avait déjà testé ce jeu grâce à un livre d'activité qui présentait dix-huit modèles d'animaux à réaliser. Cela avait été dans l'ensemble très  concluant. 






Chatangram est donc arrivé à la maison. On y aime les chats et la couverture a tout de suite captivé mon petit schtroumpf. Il n'y a pas beaucoup de texte. Cela lui permet d'être progressivement autonome dans la lecture quand il joue tout seul avec le livre et construit les formes au gré de ses envies en les prenant dans l'album. Quant à l'histoire, elle est prétexte à deviner les animaux au fil des pages. 

Maranke Rinck et Martjin van der Linden sont mari et femme. Ils vivent à Rotterdam et ce n'est pas leur première collaboration. Martjin est graphiste et illustrateur. 

Dès 5 ans.

Chatangram
de Maranke Rinck
illustré par Martijn van der Linden
Kaléidoscope
2017.


mercredi 14 février 2018

Par amour



Quand les enfants dorment les parents lisent...

 

Juin 1940, ce sont les premiers jours de l’Exode, une période qui a marqué les gens qui l’ont vécue. Muguette et Emelie, deux sœurs, quittent leur domicile avec leurs enfants. Leurs époux ont été mobilisés au début de la guerre. Seules elles abandonnent leurs maisons et partent.


Durant la durée de la Seconde Guerre, nous suivons ces deux familles du Havre.  Dès les premières lignes, on est ému de les voir sur les routes, de sentir leur peur d’avoir quitté la ville. Elles essayent de protéger leurs enfants de la réalité de la mort de toutes les manières possibles. Sans se concerter, elles organisent une course pour que les petits ne voient pas les cadavres sur les talus. On est touché de les voir tenter de mettre à l’abri leurs familles. L'épisode du sacrifice de la poupée de Marline la benjamine, donnée à la fille de la fermière qui les recueille en échange d’un toit et de nourriture, est particulièrement émouvant.


Grand port de commerce, la ville va être bombardée de multiples fois. D’abord par les Allemands et plus tard sans relâche par les Alliés. Déjà confrontés à la pénurie de vivres et aux réquisitions de locaux, les Havrais doivent également subir la peur des bombardements et sans cesse se réfugier dans des abris. Pour la famille que nous suivons c’est une terreur supplémentaire. Les mères ne cessent de s’inquiéter pour leurs enfants.
 
Ce sont les femmes qui sont au centre du roman. Aux difficultés de la guerre s’ajoute la séparation. Les enfants doivent être évacués du centre-ville. Pour ceux de Muguette, soignée loin du Havre  par pneumothorax, ce sera l’Algérie et à la fin de la guerre, la fille d’Emélie sera envoyée à la campagne.







C’est par l’introspection que Valérie Tong Cuong  nous fait suivre le déroulement des événements  de la guerre au Havre. Les mères s’inquiètent des dangers permanents courus par leurs enfants. Quant à ces derniers, ils souffrent de voir leurs pères et mères dépassés par la guerre.






L’auteur nous fait vibrer à l’unisson de cette famille. En choisissant une ville en bord de mer, elle nous montre aussi les dégâts que les bombardements ont causés au sein des villes portuaires. Elle prend le parti de montrer les doutes que causent les frappes alliées, les incompréhensions face aux dommages causés dans des zones où seuls les civils sont touchés. En choisissant de montrer  le conflit du point de vue des citoyens, c’est aussi des portraits de civils qui ressemblent à tout le monde.



Valérie Tong Cuong est née en 1964. Elle est venue à l'écriture après avoir travaillé auparavant en entreprise dans le domaine de la communication et a jusqu'à présent publié une dizaine de romans. Elle a grandi en région parisienne mais c'est à sa mère d'origine havraise qui lui a donné l'idée de ce très beau roman.





Par amour
de Valérie Tong Cuong
Editions Lattès, 2017.
Livre de poche 2018.